Introduction : le dilemme des épargnants modernes
L’essor des ETF, ou Exchange Traded Funds, a profondément transformé la manière dont les Français envisagent l’investissement en bourse. Ces fonds indiciels, qui se contentent de répliquer fidèlement la performance d’un indice comme le CAC 40, le S&P 500 ou le MSCI World, séduisent par leur simplicité et surtout par leurs frais très réduits. Ils permettent en quelques clics de diversifier largement son portefeuille sans dépendre de la performance aléatoire d’un gérant actif. Mais si les ETF sont en eux-mêmes peu coûteux, le choix de l’enveloppe qui les accueille change la donne. Entre le Plan d’Épargne en Actions (PEA) et l’assurance vie, les frais diffèrent, la fiscalité diverge, et les conséquences sur la performance à long terme peuvent être énormes. Beaucoup de particuliers se demandent : dois-je privilégier le PEA pour mes ETF ou l’assurance vie reste-t-elle intéressante ? La réalité est plus nuancée qu’une simple opposition binaire.
Les frais internes aux ETF : une base incompressible
Tout ETF, quel que soit le support qui l’héberge, intègre des frais de gestion internes. Ceux-ci correspondent à la rémunération de la société de gestion pour assurer la réplication de l’indice et couvrir les coûts de fonctionnement du fonds. On les appelle le TER (Total Expense Ratio). Ces frais sont invisibles pour l’investisseur car directement déduits de la valeur liquidative du fonds, mais ils existent bel et bien. Heureusement, ils sont très bas : de 0,05 % pour les grands ETF obligataires ultra-liquides, à environ 0,20-0,30 % pour un ETF Monde bien diversifié. C’est l’un des arguments majeurs en faveur des ETF par rapport aux fonds actifs classiques, dont les frais dépassent souvent 1,5 %. Mais si cette base est commune, c’est bien le choix entre PEA et assurance vie qui introduit des différences.
Le PEA et sa sobriété en matière de frais
Le Plan d’Épargne en Actions est conçu pour favoriser l’investissement en actions européennes, mais il existe de nombreux ETF dits “PEA éligibles” qui, grâce à une structure spécifique, permettent de répliquer des indices mondiaux tout en respectant le cadre légal. Une fois l’ETF acheté dans un PEA, la mécanique est simple. L’investisseur supporte d’abord les frais internes du fonds, comme partout, puis les frais de courtage de son intermédiaire financier lors de l’achat et de la vente. Ces frais de courtage varient selon les courtiers, mais les plateformes en ligne modernes les ont réduits à peau de chagrin. On trouve des offres à 0,1 % de la transaction, parfois plafonnées à quelques euros. Une fois la position ouverte, il n’y a aucun frais récurrent lié au PEA lui-même. C’est ce qui en fait une enveloppe particulièrement compétitive pour détenir des ETF sur le long terme. En pratique, un épargnant qui achète 10 000 € d’ETF Monde dans un PEA paiera peut-être 1 ou 2 € de frais de courtage et ensuite environ 20 € de frais internes par an (0,20 %). Rien d’autre ne viendra grignoter son rendement.
L’assurance vie et ses frais additionnels
L’assurance vie est l’enveloppe préférée des Français, et pour de bonnes raisons : elle combine un fonds en euros sécurisé, une grande variété de supports en unités de compte, une fiscalité spécifique sur les retraits et des avantages considérables en cas de succession. Mais sur la question des ETF, elle souffre d’un handicap en matière de frais. En plus des frais internes des ETF eux-mêmes, l’assureur prélève des frais de gestion annuels sur les unités de compte. Sur les meilleurs contrats en ligne, ces frais sont de 0,5 %. Sur de bons contrats, ils se situent autour de 0,6 %. Dans les contrats bancaires traditionnels, ils dépassent souvent 1 %. Ces frais sont facturés chaque année sur l’ensemble de l’encours investi en ETF. Autrement dit, l’épargnant paie les 0,20 % de frais de l’ETF et, par-dessus, les 0,5 à 1 % de l’assureur. Ce cumul peut sembler modeste, mais il change complètement la donne sur un horizon de vingt ans ou plus. Certains contrats ajoutent encore des frais d’arbitrage lorsqu’on modifie sa répartition, mais les meilleurs contrats en ligne les ont supprimés. Pour comparer précisément les assurances vie disponibles, leurs frais et leurs options, un outil utile est ce comparatif d’assurances vie.
Comparaison chiffrée : l’impact sur 20 ans
Prenons un exemple concret. Deux épargnants investissent chacun 10 000 € dans un ETF Monde affichant 0,20 % de frais internes. L’un le loge dans un PEA, l’autre dans une assurance vie. Nous supposons une performance brute de frais de 8 % par an sur vingt ans. Voici le résultat.
Enveloppe | Frais internes ETF | Frais de gestion annuels | Capital final net de frais après 20 ans |
---|---|---|---|
PEA (courtier en ligne) | 0,20 % | 0 % | 44 913 € |
Assurance vie en ligne (0,5 %) | 0,20 % | 0,5 % | ~40 926 € |
Assurance vie en banque (1 %) | 0,20 % | 1 % | ~38 697 € |
L’écart est significatif. Entre le PEA et une assurance vie bancaire à 1 %, la différence atteint près de 5 000 € sur vingt ans, pour un même montant investi. Même avec une bonne assurance vie en ligne, l’épargnant perd près de 2 600 € par rapport au PEA. Cet exemple illustre la puissance destructrice des frais récurrents, surtout lorsqu’ils s’additionnent aux frais internes de l’ETF. Le PEA préserve l’essence même des ETF – leur faible coût – tandis que l’assurance vie la dilue partiellement.
Il faut également savoir que les ETF ne sont pas toujours disponibles dans les assurances vie proposées par les banques traditionnelles. Par ailleurs, les banques traditionnelles prélèvent souvent des frais sur versement en assurance vie, auquel cas, la performance nette est encore inférieure à celle présentée dans le tableau.
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Les atouts uniques de l’assurance vie
Faut-il en conclure que l’assurance vie est à bannir pour les ETF ? Certainement pas. Si l’on se concentre exclusivement sur les frais, le PEA est imbattable. Mais l’assurance vie a des atouts structurels qui justifient son immense popularité et qui peuvent compenser son surcoût.
D’abord, elle permet d’accéder à une diversité de supports incomparable. Le PEA est cantonné aux actions européennes et aux ETF éligibles. L’assurance vie ouvre la porte à une multitude de classes d’actifs : obligations, immobilier papier (SCPI, OPCI), fonds thématiques, produits structurés, et bien sûr le fameux fonds en euros qui offre une sécurité du capital et une rémunération régulière. Pour un épargnant qui ne veut pas s’exposer uniquement aux actions, l’assurance vie est irremplaçable.
Ensuite, la fiscalité spécifique de l’assurance vie en fait un outil patrimonial incontournable. Après huit ans, les retraits bénéficient d’un abattement annuel de 4 600 € pour une personne seule et 9 200 € pour un couple, réduisant fortement la facture fiscale. En cas de décès, l’assurance vie permet de transmettre jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire sans droits de succession (pour les versements avant 70 ans). Le PEA, en comparaison, n’offre aucun avantage successoral.
Il faut aussi mentionner la flexibilité de l’assurance vie. Les rachats partiels sont simples, modulables, et permettent de transformer le contrat en outil de gestion de revenus à la retraite. Certains épargnants l’utilisent pour programmer des retraits réguliers qui bénéficient d’une fiscalité allégée après huit ans. Le PEA, plus rigide, n’a pas cette souplesse.
Enfin, il existe aujourd’hui des assurances-vie en ligne dont les frais sont compétitifs. À 0,5 % de frais de gestion sur unités de compte, l’écart avec le PEA subsiste mais reste supportable si l’on considère les autres avantages. Le véritable problème concerne les contrats bancaires traditionnels qui prélèvent encore 1 % de frais annuels, ce qui grève lourdement la performance et ne se justifie plus dans un marché compétitif.
Le PEA, champion des ETF purs
Si l’on se concentre sur un portefeuille composé essentiellement d’ETF actions, le PEA garde l’avantage. Il est conçu pour ce type de stratégie : frais minimaux, fiscalité attractive après cinq ans, et simplicité de fonctionnement. L’absence de frais annuels supplémentaires signifie que l’épargnant profite pleinement des faibles coûts des ETF. De plus, après cinq ans, les plus-values réalisées dans le PEA sont exonérées d’impôt sur le revenu (seuls les prélèvements sociaux de 17,2 % restent dus). Cela en fait une enveloppe idéale pour capitaliser à long terme sur les marchés financiers avec un coût réduit.
Faut-il choisir ou combiner ?
La vraie question n’est pas tant de savoir s’il faut choisir le PEA ou l’assurance vie, mais plutôt comment les articuler. Chacune de ces enveloppes a ses forces et ses faiblesses. Le PEA est optimal pour maximiser la performance des ETF en actions grâce à des frais réduits et une fiscalité simple. L’assurance vie, même avec ses frais plus élevés, reste essentielle pour diversifier son patrimoine, bénéficier d’un cadre fiscal avantageux après huit ans et préparer sa succession dans les meilleures conditions. L’épargnant avisé ne se prive pas de l’une pour l’autre, mais combine les deux. Le PEA devient l’outil de croissance boursière pure, tandis que l’assurance vie joue le rôle d’enveloppe patrimoniale globale et protectrice.
Conclusion : l’alliance gagnante
Comparer le PEA et l’assurance vie pour investir en ETF revient à opposer efficacité brute et polyvalence. Le PEA, grâce à ses frais minimes et sa fiscalité favorable, est sans conteste l’enveloppe la plus performante pour un investissement en ETF actions à long terme. Mais l’assurance vie, avec ses atouts en matière de diversification, de fiscalité après huit ans et de transmission, reste un produit incontournable pour structurer son patrimoine. La véritable stratégie gagnante ne consiste pas à choisir entre les deux, mais à les ouvrir tous les deux. Utiliser le PEA pour loger ses ETF et maximiser leur rendement, et parallèlement s’appuyer sur l’assurance vie pour diversifier, sécuriser et préparer la succession. C’est de la complémentarité de ces deux enveloppes que naît une gestion patrimoniale solide, équilibrée et optimisée pour l’avenir.